Criar uma Loja Virtual Grátis
L'Expérience Blocher regarder en ligne regarder en ligne 1440p

L’ExpĂ©rience Blocher

Même le “paradis” (fiscal) suisse est gangrené par le populisme, ce cancer politique qui affecte l’Europe. Déjà auteur de l’excellent Cleveland contreWall Street. le cinéaste documentariste Jean-Stéphane Bron dresse ici le portrait de Christoph Blocher, sorte de Le Pen helvète qui a déjà exercé plusieurs mandats gouvernementaux.

La bonne idée de Bron, qui sous-tend tout son film, consiste à ne pas foncer bille en tête dans la dénonciation de son sujet ; ce serait certes politiquement légitime, mais cinématographiquement convenu et prévisible. Au contraire, Bron s’est approché au plus près de la “bête”, l’a amadouée, pour essayer de comprendre l’en deçà des discours et décortiquer le mécanisme de la dangereuse séduction populiste.

Quand on dit “au plus près”, ce n’est pas une figure de style. témoins tous les plans-séquences à bord de la voiture du politicien (Bron y est autant embêté qu’embedded ) ou encore cette scène hallucinante dans la chambre d’hôtel des Blocher, alors que monsieur travaille tard et que madame rêve sous les draps. Jamais film n’est allé aussi loin dans l’intimité d’une figure politique majeure.

Que nous apprend cette intimité, que nous disent ces plans dans les diverses antres de l’ogre, qui renvoient autant aux contes de Grimm qu’à Citizen Kane ou à Shining. Que Blocher est riche et isolé dans ses propriétés et ses montagnes. Que madame, taiseuse en surface, joue un rôle évident d’aiguillon maléfique. Que la ligne politique qui consiste à prétendre protéger son pays de fantasmatiques dangers extérieurs est générée par un sentiment individuel. Blocher veut surtout défendre sa prospérité, ses châteaux, son mode de vie luxueux.

Le film montre aussi que le lien entre la fortune personnelle et les idées politiques fonctionne dans les deux sens : au cours de sa carrière politique, Blocher a fait des affaires qui l’ont considérablement enrichi lui, pas son pays ni ses électeurs. Le nationalisme xénophobe, allié à un charisme séducteur et à un marketing habile (les affiches islamophobes de Blocher sont comparables à celles des nazis par leur imagerie mensongère et simpliste), est un enfumage du peuple.

Grâce à cet enfumage, on met un pays à son service, ce qui est l’exact contraire de la mission politique. La colère du peuple se dirige alors contre l’Autre minoritaire (étranger, musulman, juif, homo, etc.) et non contre le supposé protecteur qui en réalité vous arnaque. Tel est le résultat de l’expérience Blocher, chimie à hauts risques pour une démocratie. une Suisse pas plus prospère, un peuple pas mieux loti, mais un pays plus divisé, plus xénophobe, plus violent et plus abîmé par le libéralisme.

Le microcosme helvétique est évidemment paradigmatique. voilà ce qui se passerait n’importe où en Europe si les populistes arrivaient au pouvoir. En scrutant la séduction du diable, non sans crainte et tremblement que son film soit contaminé à son insu, Jean-Stéphane Bron réussit à fusionner pertinence politique et cinématographique. “Les loups repeuplent l’Europe”. telle est la dernière phrase, qui sonne comme un lugubre mais salutaire avertissement.

voir ce film avec